Homélie des funérailles

Première lettre de Jean 3, 14.16-20
Évangile de Jean 14, 1-6

Depuis que Réal a vécu son passage de la mort à la vie éternelle,
je ne cesse de lui poser des questions:

- Où es-tu, Réal?
- Que fais-tu?
- Comment ça se passe là où tu es?
- Y a-t-il de beaux terrains de golf où tu peux jouer à ton goût,
sans limites de temps et d'handicaps???

- Et plus sérieusement, quel regard poses-tu maintenant sur nous?
- Qu'est-ce que tu aimerais nous dire, à nous qui vivons cette rupture?
- Qu'est-ce qui a été essentiel pour toi?

Je sais que Réal désirait écrire son testament spirituel
afin que nous puissions le partager aujourd'hui;
mais le temps et les forces lui ont manqué.
Il a cependant choisi deux textes bibliques qui lui ressemblent,
des textes qui nous donnent des pistes
de ce qu'aurait sans doute contenu ce testament spirituel.

Alors je voudrais essayer de traduire avec vous ce qu'il nous dirait,
tout en sachant très bien que ce sera incomplet...
À vous de le compléter dans votre coeur
en creusant la richesse du lien qui vous unit à lui.

Voici donc ce qu'aurait pu être ce testament spirituel,
la page d'évangile de sa vie:

Mes amis(es),

Je suis bien content que vous soyez là aujourd'hui. " Come va?!! "

Ah! Je sais que ce n'est pas facile de vivre des ruptures.
J'ai eu le privilège d'être très proche de certains parmi vous
quand vous viviez des événements joyeux,
des étapes importantes, des succès, des amours, des naissances;
mais j'étais près de vous aussi lorsqu'il faisait noir en vos vies,
lorsque vous cherchiez un sens et des réponses,
quand vous avez traversé des deuils, des souffrances, des brisures.

J'en ai moi-même vécu ces dernières années
que j'ai trouvé très douloureuses.
La principale a été d'apprivoiser peu à peu l'idée
qu'une maladie que je n'avais pas choisie allait avoir raison de moi.
Pour moi, un amant de la vie,
il n'a pas été facile de vivre ce grand passage de la mort à la vie éternelle.

Mais aujourd'hui, ce qui m'habite, c'est de vous dire merci d'être là.
Et de vous redire - parce que je pense vous l'avoir dit souvent -
que chacun, chacune de vous a toujours été
ce qu'il y a de plus précieux pour moi.

Vous le savez, (c'est toujours Réal qui nous parle)
je n'ai jamais été bien fort dans les grands discours publics.
Je ne souhaite pas parler longtemps aujourd'hui.
J'aimerais bien mieux circuler parmi vous,
vous donner une bonne poignée de mains,
prendre de vos nouvelles, échanger sur les vraies affaires,
et vous donner rendez-vous pour un repas au Saint-Hubert..!

Je voudrais vous dire quand même
ce qui m'a guidé et ce qui a été essentiel pour moi.

Les deux textes bibliques que j'ai choisis
sont à la base de mon engagement.
Très jeune, j'ai été "saisi par le Christ" (un livre qu'il avait lu étant jeune frère)
qui m'invitait, à sa suite, à donner ma vie pour les jeunes.
Je me suis lancé dans cette vie-là
avec toutes mes forces et toute ma passion.

Durant ces nombreuses et très belles années d'engagement,
j'ai essayé d'aimer ceux et celles qui m'entouraient à la manière du Christ,
c'est-à-dire non pas avec des paroles officielles et des grands discours,
mais "en actes et en vérité", comme l'écrit saint Jean.

Quelqu'un a dit: "Tu n'existes que par tes liens".
Ce sont les liens que j'ai créés avec vous qui m'ont fait vivre,

- vous mes anciens et anciennes du Collège;

- vous les frères de la communauté que j'ai aimé côtoyer et servir;

- vous, mes amis de tous âges, compagnons et compagnes précieux;

- et vous, ma famille,
de qui je me suis senti plus proche que jamais dans les derniers mois.

Et même si j'ai souvent dit que j'étais pas mal païen,
je pense que j'ai été malgré tout un homme de foi.
J'ai cru en la promesse que le Christ nous a faite
dans son propre testament spirituel
quand il disait qu'il partait nous préparer une place
et qu'un jour il reviendrait nous prendre avec lui.
Ce jour est arrivé pour moi, bien plus vite que je l'aurais cru et voulu.
J'ai essayé de me préparer de mon mieux, même si ce ne fut pas facile.
Ce jour arrivera aussi pour vous.
En attendant ce jour, vivez pleinement votre vie
comme j'ai essayé de vivre pleinement la mienne.

J'aime le texte d'évangile.
Jésus lui-même nous indique le chemin de vie en disant
"qu'il est le Chemin, la Vérité et la Vie".

C'est ce Chemin-là que j'ai pris, celui de la Vérité qui conduit à la Vie.
C'est pourquoi j'ai toujours aimé la devise du Collège: "la Vérité te rendra libre."

C'est pour cela aussi que je me suis toujours engagé avec passion
- parfois un peu trop, je l'avoue - dans ce qui m'était confié:

- l'enseignement, l'animation, la direction ou la corporation du Collège;
- les Amis de Jean de la Mennais, ce rêve magnifique qui est devenu réalité;
- mes tâches dans la communauté, des plus simples aux plus exigeantes;
- le Projet Jean de la Mennais de notre province religieuse,
auquel j'ai cru de tout coeur parce qu'il est porteur de vie...

À vous qui devez continuer à croire et à porter ces projets, (nous dit Réal)
je termine en partageant quelques extraits
de ce que je livrais aux élèves du deuxième cycle
lorsque j'ai quitté Jean De La Mennais en 1990.
C'était à l'occasion de leur soirée méritas de fin d'année.
J'avais intitulé mon mot : "Ce n'est qu'un AU REVOIR."

" J'ai confiance en toi.
J'ai confiance que tu sauras relever ces défis qui s'offrent à toi,
parce que tu as su assumer ton hier et ton aujourd'hui.

Il est pratiquement impossible
de travailler avec quelqu'un pendant plusieurs années
et de lui donner le meilleur de soi-même
sans que la séparation ne soit teintée d'un brin de nostalgie.
Mais les ruptures ne sont-elles pas là pour nous aider à grandir?

Voici ce que je désire pour toi et que je relie au symbole de l'arbre:

- que tes racines soient profondes

- que ta terre soit riche

- que tes fruits nourrissent beaucoup de personnes autour de toi.

Ne te contente pas d'être un bel arbre qui produit de beaux fruits,
mais deviens véritablement un arbre bon qui produit de bons fruits,
là où tu es enraciné.

Ce que je souhaite, c'est que tu sois vraiment heureux, heureuse.

Ne lâche pas champion, championne,
tu as énormément de prix à mes yeux.
Je t'aime beaucoup.

De quelqu'un qui quitte
rempli d'heureux souvenirs et millionnaire des liens créés.

Réal. "